L’initiative « Red line » : un appel commun pour mettre fin aux violences sexuelles liées aux conflits

La Fédération internationale de gynécologie et d’obstétrique (FIGO) et la Fondation Dr Denis Mukwege ont publié un éditorial commun dans l’International Journal of Gynecology and Obstetrics (IJGO).1 Rédigée par les docteurs Denis Mukwege et Jeanne Conry, cette publication invite les professionnels de la santé à s’exprimer et à se joindre à la campagne visant à mettre un terme définitif à l’utilisation de la violence sexuelle comme arme de guerre.

La FIGO et la Fondation Mukwege reconnaissent que des décennies de travail ont été consacrées à la lutte contre les violences sexuelles liées aux conflits (VSLC) et qu’énormément de progrès ont été réalisés.Malgré ces efforts, les VSLC sont toujours répandues et systématiques dans de nombreux conflits : elles causent des ravages terribles pour les survivants, leurs familles et leurs communautés, et des préjudices qui perdurent sur plusieurs générations. De la République démocratique du Congo à l’Ukraine, en passant par la Colombie, le Népal, la Libye, l’Irak, le Myanmar ou l’Éthiopie, la triste réalité est que trop de gens acceptent encore les VSLC comme étant un aspect regrettable, mais inévitable, des conflits armés. Il est temps de créer un mouvement pour exiger le changement et rappeler aux États qu’ils ne peuvent plus ignorer cet impératif moral.

Créer une action ciblée

La Fondation Mukwege a travaillé d’arrache-pied pour traduire l’appel du Dr Mukwege, qui exhorte les autorités à tracer une ligne rouge contre les VSLC, par le biais d’un programme concret formulé pour mettre un terme à une situation aujourd’hui inacceptable. L’initiative « Red line » est née de ces efforts.3

L’initiative « Red line » vise à mettre en place les actions ciblées nécessaires pour résoudre ce problème systémique et à établir un cadre juridique clair pour une action rapide, à fort impact. Elle a trois objectifs principaux :

  • Susciter un rejet moral clair et l’indignation générale contre l’utilisation des VSLC sous toutes leurs formes, y compris en tant que méthode de guerre.
  • Renforcer et clarifier les obligations juridiques appelant les États à interdire le recours aux violences sexuelles dans les conflits, à œuvrer pour leur prévention, à punir ces crimes, et à réparer les préjudices qu’ils causent.
  • Renforcer la volonté politique pour que les États réagissent de manière plus énergique et plus rapide, conformément à leurs obligations internationales.

L’initiative « Red line » repose sur la conviction que les VSLC représentent une violation de notre humanité commune et doivent être considérées comme une tactique totalement inacceptable qui n’a pas sa place dans les guerres modernes.

Mener le changement en tant que professionnels de la santé

La responsabilité des professionnels de la santé, qui sont directement confrontés au fléau des VSLC, doit aller au-delà des simples soins médicaux administrés pour soigner les femmes et les jeunes filles qui sont victimes de ces crimes odieux. C’est pourquoi la FIGO et la Fondation Mukwege appellent à une réflexion audacieuse et innovante pour mettre enfin un terme à l’utilisation totalement inacceptable des violences sexuelles comme arme de guerre.

Ce plaidoyer est né d’une profonde frustration face à l’échec répété de la communauté internationale qui, en dépit d’un engagement pris il y a déjà plusieurs décennies, n’a toujours pas mis un terme aux VSLC et à leurs terribles répercussions sur les survivants et nos sociétés humaines.

On ne saurait trop insister sur l’importance d’une approche exhaustive face à ce problème. Les VSLC détruisent les liens familiaux, les communautés et les normes sociales. Elles causent des dommages sur plusieurs générations, par exemple par la transmission du VIH, le rejet des enfants nés d’un viol et les traumatismes psychologiques collectifs.4,5,6 Dans certains conflits, 90 % des viols sont des viols collectifs, souvent en public ou devant les membres de la famille de la victime, et l’utilisation d’objets ou d’armes pour perpétrer le viol est courante, entraînant des blessures rarement observées en dehors du contexte d’un conflit.7,8

Tracer une ligne rouge : notre appel à l’action

Il est temps de susciter l’indignation générale internationale que méritent les violences sexuelles liées aux conflits et de mobiliser la communauté mondiale pour qu’elle agisse.

En tant que professionnels de la santé, les obstétriciens et gynécologues sont les premiers à constater les graves conséquences des violences sexuelles commises en temps de guerre sur la santé, conséquences qui durent souvent toute la vie.

La FIGO et la Fondation Mukwege appellent conjointement les membres de la communauté de la santé publique, en particulier les obstétriciens et les gynécologues, à s’unir dans ce combat. La voix des gynécologues-obstétriciens est nécessaire, tout comme celle des survivants.9 L’expertise des gynécologues-obstétriciens est nécessaire. Ensemble, nous pourrons instiguer des changements concrets et significatifs, pour bannir les violences sexuelles des pratiques de guerre.

Lisez l’article complet dans l’International Journal of Gynecology and Obstetrics pour en savoir plus sur l’initiative « Red line » et répondre cet appel à agir.


Références

1. Mukwege, D. and Conry, J.A. (2023), A call to action: Drawing a red line to end conflict-related sexual violence. Int J Gynecol Obstet. https://doi.org/10.1002/ijgo.14963

2. Conseil de sécurité des Nations unies, résolution 1820 (2008) du Conseil de sécurité, 19 juin 2008, S/RES/1820 (2008). https://www.refworld.org/docid/485bbca72.html. Consulté le 5 mars 2023.

3. The Red Line Initiative: www.endcrsv.org 

4. Gingerich T, Leaning J. The use of rape as a weapon of war in the conflict in Darfur, Sudan. Harvard School of Public Health ; 2004.

5. Corish M, Djeddah C, Usher-Patel M. Reproductive Health during Conflict and Displacement : A Guide for Programme Managers’, p. 113. OMS ; 2000.

6. Bartels S, VanRooyen M, Leaning J, Scott J, Kelly J. Now The World Is Without Me : An Investigation Of Sexual Violence In Eastern Democratic Republic of Congo. Oxfam international ; 2010.

7. Hagen K, Yohani S. The nature and psychosocial consequences of war rape for individuals and communities. International Journal of Psychological Studies. 2010 ; 2(2) : 14–25.

8. Mukengere Mukwege D, Nangini C. Rape with extreme violence : The new pathology in South Kivu, Democratic Republic of Congo. PLoS Medicine. 2009 ; 6(12) : 1-5.

9. SEMA Call to Action: www.endcrsv.org/call-to-action

À propos de nos organisations

FIGO

La FIGO est une organisation professionnelle qui regroupe plus de 130 associations de gynécologie-obstétrique du monde entier. La FIGO a pour vision d’offrir aux femmes du monde entier le niveau le plus élevé possible de santé et de bien-être sur le plan physique, psychologique, reproductif et sexuel tout au long de leur vie. La FIGO dirige les activités de nombreux programmes mondiaux, et met plus particulièrement l’accent sur l’Afrique subsaharienne, l’Amérique latine et l’Asie du Sud-Est.

La FIGO entreprend des actions de plaidoyer d’envergure internationale, notamment en lien avec les objectifs de développement durable (ODD) relatifs à la santé reproductive, maternelle, néonatale, infantile et des adolescents et aux maladies non transmissibles (ODD 3). La FIGO travaille également à améliorer le statut des femmes et à leur permettre de participer activement pour exercer leurs droits sexuels et reproductifs, notamment en luttant contre les mutilations génitales féminines et les violences basées sur le genre (ODD 5).

[email protected]     +44 (0)7383 025 731

Fondation Dr Denis Mukwege

La Fondation Dr Denis Mukwege soutient l’appel des survivants pour un monde où les violences sexuelles en tant qu’arme de guerre ne sont plus tolérées et ont des conséquences pour les auteurs individuels comme pour les États impliqués. La Fondation œuvre pour un avenir où les survivants recevront les soins holistiques et l’indemnisation dont ils ont besoin pour reconstruire leur vie. Elle crée des opportunités pour permettre aux survivants de s’exprimer, d’être entendus et de s’organiser pour accélérer le changement, influencer les politiques et exiger justice et responsabilité.

La Fondation Mukwege œuvre pour un avenir où les violences sexuelles dans les conflits ne seront plus considérées comme inévitables, mais reconnues pour ce qu’elles sont : un crime qui devrait puni. La Fondation souhaite que la communauté internationale mette un terme aux violences sexuelles en temps de guerre et que les États et les individus soient tenus pour responsables.

[email protected]     +31 6 16209560

Référence de la présente déclaration

Fédération internationale de gynécologie et d’obstétrique et Fondation Dr Denis Mukwege. L’initiative « Red line » : un appel commun pour mettre fin aux violences sexuelles liées aux conflits. 2023. Disponible sur: https://www.figo.org/fr/ressources/declarations-figo/initiative-red-line-fin-violences-sexuelles-conflits